Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/113

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Quand M. Dietrich m’eut quittée, je me sentis bouleversée et obsédée d’indécisions et de scrupules. Avais-je en effet le droit de fermer à Paul un avenir si brillant, une fortune tellement inespérée ? Ma tendresse de mère reprenant le dessus, je me trouvais aussi cruelle envers lui que lui-même. Cet enfant, dont le stoïcisme me causait tant de soucis, je pouvais en faire un homme libre, puissant, heureux peut-être ; car qui sait si mademoiselle Dietrich ne serait pas guérie de son orgueil par le miracle de l’amour ? J’étais toute tremblante, comme une personne qui verrait un paradis terrestre de l’autre côté d’un précipice, et qui n’aurait besoin que d’un instant de courage pour le franchir.

Je ne revis Césarine qu’à l’heure du dîner. Je la trouvai aussi tranquille et aussi aimable que si rien de grave ne se fût passé entre nous. M. Dietrich dînait à je ne sais plus quelle ambassade. Césarine taquina amicalement la tante Helmina au dessert sur le vert de sa robe et le rouge de ses cheveux ; mais, quand nous passâmes au salon, elle cessa tout à coup de rire, et, m’entraînant à l’écart :

— Il paraît, me dit-elle, que ni mon père ni toi ne voulez accorder la moindre attention à mon sentiment, et que vous ne me permettez plus de faire un choix. Papa a été fort doux, mais très-roide au fond. Cela signifie pour moi qu’il cédera tout d’un coup quand il me verra décidée. Il n’a pas su me cacher qu’il me demandait tout bonnement de prendre le temps de la réflexion. Quant à toi, ma chérie, ce