Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/136

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« — Pas la moindre. Je ne suis pas amoureux de vous, toute belle que vous êtes. Je n’ai pas le temps d’avoir une passion, et, s’il faut vous tout dire, je ne me sens capable de passion que pour une femme dont je serais le premier amour. M’éprendre de votre beauté pour mon plaisir, dans la situation où je vous rencontre, me semblerait une lâcheté, un abus de confiance. Je vous offre une vie honnête, mais laborieuse et très-précaire. On vous propose le bien-être, la paresse et la honte. Vous réfléchirez. Voici mon adresse. Cachez-la bien, car vous n’échapperez à l’autorité de votre mère qu’en vous tenant cachée vous-même. Si vous avez confiance en moi, venez me trouver.

« — Mais, mon Dieu ! s’écria-t-elle toute tremblante, pourquoi êtes-vous si bon pour moi ?

« — Parce que je vous ai empêchée de mourir et que je vous dois de vous rendre la vie possible. »

Je la quittai. Le lendemain, elle était chez moi ; je la conduisis chez l’ouvrière qui devait lui donner asile, et je ne la revis pas de huit jours.

Quand j’eus le temps d’aller m’informer d’elle, je la trouvai au travail ; son hôtesse se louait beaucoup d’elle. Marguerite me dit qu’elle était heureuse, et quelques mois qui se passèrent ainsi me convainquirent de sa bonne conscience et de sa bonne conduite. Elle travaillait vite et bien, ne sortait jamais qu’avec sa nouvelle amie, et lui montrait une douceur et un attachement dont celle-ci était fort touchée. J’étais content d’avoir réussi à bien placer un petit