Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/160

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somme et très-noble. Ton neveu est un homme, et c’est une femme comme moi qu’il lui faut pour accepter sa situation et l’en arracher sans déchirement, sans remords et sans crime. Marguerite pleurera et criera peut-être même un peu, cela ne m’effraye pas. Je me charge d’elle ; c’est une enfant un peu sauvage et très-faible. Dans un an d’ici elle me bénira, et Paul, mon mari, sera le plus heureux des hommes.

— De mieux en mieux ! C’est réglé ainsi pour l’année prochaine ? Quel mois, quel jour le mariage ?

— Ris tant que tu voudras, ma Pauline, je suis plus forte que toi, te dis-je ; je n’ai pas les petits scrupules, les inquiétudes puériles. J’ai la patience dans la décision ; tu verras, petite tante ! Et sur ce embrasse-moi ; je suis lasse, mais mon parti est pris, et je vais-dormir tranquille comme un enfant de six mois.

Elle me laissa en proie au vertige, comme si, abandonnée par un guide aventureux sur une cime isolée, j’eusse perdu la notion du retour.

N’avait-elle pas raison en effet ? n’était-elle pas plus forte que moi, que Marguerite, que Paul lui-même ? Trop absorbé par l’étude, il ne pouvait pas, comme elle, analyser les faits de la vie pratique et en résoudre les continuelles énigmes. Qui sait si elle n’était pas la femme qu’elle se vantait d’être, la seule qu’il pût aimer, le jour où il verrait la loyauté et la générosité qui étaient toujours au fond de ses calculs les plus personnels ? Une tête si active, une âme tellement au-dessus de la vengeance et des mauvais