Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/299

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Césarine, atterrée, ne répondit rien, et passa la nuit dans un désespoir dont la violence m’effraya. Je n’osai la quitter avant le jour ; je craignais qu’elle ne se portât à quelque acte de désespoir. Cette fois elle ne posait pas pour attendrir les autres, elle se retenait au contraire, et n’eut point d’attaque de nerfs ; mais son chagrin était profond, les larmes l’étouffaient, elle jugeait son avenir perdu, sa vie sacrifiée à quelque chose de plus sombre que le veuvage, l’obligation incessante d’employer son intelligence supérieure à contenir les emportements farouches ou à subir les puériles préoccupations d’un idiot méchant à ses heures, toujours jaloux et osant se dire épris d’elle.

Le châtiment était cruel en effet, mais c’est en vain qu’elle me le présentait comme une injustice du sort. Elle avait épousé ce moribond, moitié par ostentation de générosité, moitié pour se relever aux yeux de Paul, un peu aussi pour être marquise et indépendante par-dessus le marché.

Le lendemain, M. Dietrich alla dès le matin voir son gendre. Il le trouva endormi et put causer longuement avec Dubois et le médecin qui avait passé la nuit à observer son malade. Le résumé de cet examen fut que le marquis n’était ni fou ni lucide absolument. Il avait les organes du cerveau tour à tour surexcités et affaiblis par la surexcitation. Quelques heures de sa journée, entre le repos du matin, qui était complet, et le retour de l’accès du soir, pouvaient offrir une parfaite sanité d’esprit, et nulle consultation médicale dressée avec loyauté n’eût pu faire