Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/320

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donnés en mettant dans ma vie ce qu’elle jugeait devoir être un regret poignant, éternel. Eh bien ! sais-tu ce que j’eusse fait vis-à-vis d’une pareille femme, si ni Jacques de Rivonnière, ni ma tante, ni toi, n’eussiez jamais existé ? J’aurais été à son rendez-vous, et je lui aurais dit en la quittant :

— Merci, madame, c’est demain le tour de quelque autre ; je vous quitte sans regret !

Mais supposer que j’aurais avec elle une heure d’ivresse au prix de mon honneur et de ta vie, ah ! Marguerite, ma pauvre chère enfant, tu ne me connais donc pas encore ? Allons, tu me connaîtras ! En attendant, jure-moi que tu veux guérir, que tu veux vivre ! Regarde-moi. Ne vois-tu pas dans mes yeux que tu es, avec mon Pierre, ce que j’ai de plus cher au monde ?

Il alla chercher l’enfant et le mit dans les bras de sa mère.

— Vois donc le trésor que tu m’as donné ; dis-moi si je peux ne pas aimer la mère de cet enfant-là ? Dis-moi si je pourrais vivre sans elle ? Mettons tout au pire ; suppose que j’aie eu un caprice pour cette folle que tu as toujours beaucoup plus admirée que je ne l’admirais, serait-ce un grand sacrifice à te faire que de rejeter ce caprice comme une chose malsaine et funeste ? Faudrait-il un énorme courage pour lui préférer mon bonheur domestique et l’admirable dévouement d’un cœur qui veut s’étouffer, comme tu dis, par amour pour moi ? Non, non, ne l’étouffe pas, ce cœur généreux qui m’appartient ! Suppose tout ce que tu voudras, Marguerite : admets que je sois un