Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/44

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créer des résistances intérieures invincibles, et qu’en la séparant du monde vous n’en fissiez une mondaine passionnée.

M. Dietrich me donna gain de cause et me quitta d’un air préoccupé. Le jugement que sa fille avait porté sur lui, et que je n’avais pas cru devoir lui cacher, lui donnait à réfléchir. Dès le lendemain, il reprit avec moi la conversation sur ce sujet.

— Je n’ai fait aucun reproche, me dit-il. J’ai fait semblant de ne m’être aperçu de rien, et je n’ai pas eu besoin d’arracher la promesse de ne pas danser avant un an ; Césarine est venue d’elle-même au-devant de mes réflexions. Elle m’a raconté la soirée d’avant-hier ; elle a doucement blâmé l’irréflexion, pour ne pas dire la légèreté de sa tante ; elle m’a fait l’aveu qu’elle avait promis de m’engager à rouvrir les salons, en ajoutant qu’elle me suppliait de ne pas le permettre encore. Je n’ai donc eu qu’à l’approuver au lieu de la gronder ; elle s’était arrangée pour cela, comme toujours !

— Et vous croyez qu’il en sera toujours ainsi ?

— J’en suis sûr, répondit-il avec abattement ; elle est plus forte que moi, elle le sait ; elle trouvera moyen de n’avoir jamais tort.

— Mais, si elle se laisse gouverner par sa propre raison, qu’importe qu’elle ne cède pas à la vôtre ? Le meilleur gouvernement possible serait celui où il n’y aurait jamais nécessité de commander. N’arrive-t-elle pas, de par sa libre volonté à se trouver d’accord avec vous ?