Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/116

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être. Elle lui avait fait tout le bien possible, en ce sens qu’à force d’entendre expliquer des choses qu’il écoutait mal et qu’il comprenait peu, il avait au moins une notion de ces choses et pouvait en parler sans y paraître étranger. Il était beau, il avait un nom, de l’esprit naturel, une causerie agréable et railleuse. Il plaisait dans le monde, car il commençait à voir le monde. Ma grand’mère lui avait permis d’avoir un cheval et de cultiver les relations que nous avions avec Toulon et Marseille, où il fit de temps à autre quelques apparitions. Ses débuts dans la bonne compagnie de province eurent plus de succès que Frumence, avec sa consciencieuse naïveté, ne s’y fût attendu, car, tandis qu’il rougissait de la médiocrité de son élève et craignait de le voir se lancer dans la société, Marius y recevait des encouragements, y nouait des relations et en revenait toujours avec une dose d’aisance et d’aplomb qui nous surprenait tous. Il avait de l’esprit de conduite et se façonnait aux usages avec cette facilité de l’homme destiné à mettre les usages au-dessus de tout. Pourtant son merveilleux savoir-vivre ne l’empêchait pas de nous montrer l’ennui profond qu’il ressentait désormais avec nous et l’impatience qu’il avait de nous quitter une bonne fois. Devant cette impatience, ma grand’mère se tourmenta de nouveau