Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/147

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heurs qu’une femme puisse supporter, sa générosité sans égale l’avait maintenue optimiste. Elle croyait surtout aux enfants. Elle disait qu’il faut les rendre heureux pour les rendre bons. Elle n’avait jamais eu de préventions ni de ressentiment contre Marius. Elle l’avait toujours plaisanté sans aigreur et sans s’apercevoir de l’aigreur qu’il nourrissait contre elle. Le jour où elle lui avait semblé si jolie, en honnête et forte femme qu’elle était, elle n’avait pas eu de colère : elle lui avait ri au nez. Elle n’avait trahi vis-à-vis de personne le ridicule de cette fugitive velléité. À force d’être sage et bonne, elle ne devinait pas de quelles injustices le faible et irrésolu Marius était capable.

J’avoue que je ne m’étais pas senti la force de l’éclairer à cet égard. Je la respectais trop pour lui répéter les imaginations révoltantes de madame Capeforte. Jennie ne sut donc pas alors combien peu de fonds offrait le véritable caractère de mon pauvre cousin.

Quant à Frumence, je ne sus rien des motifs qui l’avaient déterminé à offrir si subitement sa démission de précepteur. J’avais encore grand besoin de ses leçons assurément, et je n’en devais jamais retrouver d’aussi bonnes. C’est par la suite que j’ai appris ce qui eut lieu le jour où Marius lui fit une scène si étrange et si déplacée.