Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/218

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remords, et je ne voudrais en rien l’atténuer. Tout ce que j’en puis conclure aujourd’hui, c’est que je jouais avec la passion sans en connaître la cause et le but.

Je me surpris regrettant de n’avoir pas troublé le repos de Frumence, et rougissant de m’être ainsi abusée sur mon mérite. Le dépit fut si profond, que je cherchai à m’y soustraire en me persuadant que Frumence avait su, à force de vertu et de discrétion, me cacher son amour et déjouer ma pénétration. Il m’adorait, et cela datait de loin. Il m’avait aimée enfant, alors que Denise en devenait folle de jalousie. Il s’était peut-être trahi devant quelqu’un ; l’époque où la méchante Capeforte lui avait attribué des projets de séduction et de captation cupide à mon égard. Il m’avait peut-être oubliée pendant deux ans que nous avions passés presque sans nous voir ; mais, depuis un an que je le voyais toutes les semaines, il m’aimait ardemment, il me contemplait avec enthousiasme, il m’enseignait avec ferveur, il était bien certain qu’il ne pouvait m’épouser et qu’il ne devait pas seulement y songer. Esclave du devoir et doué d’une robuste fierté, il combattait son inclination, il s’en réprimandait et s’en moquait lui-même. Il eût mieux aimé mourir que de me la laisser pressentir, et, quand j’étais prête à la devi-