Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/261

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ma position romanesque d’enfant perdu et retrouvé inspirait des inquiétudes assez graves, et que la malveillance les exploitait contre moi. Les folies de Denise avaient trouvé de l’écho, et il ne faut pas demander par qui, du fond de son hospice d’aliénés, les paroles incohérentes de cette pauvre fille étaient colportées et commentées. Ces propos tendaient à faire croire que j’étais la fille de Jennie, et qu’en se flattant de me léguer sa fortune ma grand’mère nourrissait une chimère.

Pourtant M. Barthez, qui était son meilleur et son plus véritable ami, affirmait que, de toutes façons, mon avenir était aussi assuré que possible. Marius, qui s’en était préoccupé à ma requête, paraissait n’en pas douter, et Jennie, à qui je n’osais plus en parler que bien peu et bien rarement, tant je craignais de paraître soupçonner sa délicatesse, avait des affirmations si calmes, sa parole m’était si sacrée, que je regardais toute contestation sur mon identité comme une vaine et absurde clameur dont je ne devais pas me tourmenter un seul instant. Le croira-t-on ? je m’en tourmentais si peu, que je me prenais quelquefois à mépriser la sécurité de mon existence. Dans mes jours de spleen, j’eusse aimé à voir mon avenir menacé de quelque catastrophe qui eût donné carrière à ma volonté sans objet dans le présent. Il