Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/286

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toute sa tête, et demanda l’abbé, qui lui lut le brouillon de lettre rédigé la veille. Elle voulut signer d’avance la page blanche destinée à cette missive, puis elle prescrivit à Marius de s’en charger en retournant à Toulon, ainsi qu’elle l’avait décidé la veille. Marius feignit de s’en aller et revint, car il se sentait nécessaire, et je désirais aussi qu’il fût là à tout événement. Il se tint hors de sa vue, ce qui n’était pas difficile, la pauvre femme voyait si peu ! J’avais dû lui diriger la main pour signer cette fatale lettre, qui ne devait jamais partir. Dans la journée, la voyant très-calme, j’essayai de lui parler de mon père à propos de mon mariage. Elle avait coutume d’éluder ce sujet ou de répondre laconiquement. Par exception, elle répondit avec une émotion visible :

— Ton père, me dit-elle, est un étranger pour toi ; mais il a beau nous avoir oubliées, il se souviendra de faire son devoir quand le moment sera venu. Et puis le temps est un grand conseilleur. Ton père est encore bien jeune, il n’a guère que quarante-quatre ans ; il ne se dit pas que j’en ai plus de quatre-vingts, et que, s’il tarde trop à venir, il ne me trouvera plus ; mais enfin je veux espérer encore qu’à l’occasion de ton mariage il va se décider à penser à nous.

— Ne nous flattons pas de cela, grand’mère, il