Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/31

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été bien venu à lui en parler chez nous à table, car il y mangeait certainement pour toute la semaine.

Un jour, il nous fit dire qu’un léger accident l’empêchait de marcher, et qu’il ne pourrait venir nous dire notre messe. Ce léger accident, c’était, à son insu, une première attaque de goutte. Ma grand’mère prétendit que nous ne serions pas damnées pour nous passer de messe ; mais Denise, qui était plus fervente, demanda la permission de me mener aux Pommets. J’étais assez grande pour marcher, et déjà très-agile à grimper de roche en roche. Tout s’oublie, car ma grand’mère oublia que Denise m’avait déjà perdue, et que, par suite, elle était restée un peu folle.

Nous voilà donc en route à travers champs et prairies. C’était en été, la Dardenne se divisait en minces nappes et en étroits réseaux frissonnants sur son grand pavage naturel. Il nous fut facile de la passer au premier endroit venu, sans mouiller nos chaussures ; puis nous entrâmes dans les oliviers, dans les pins, dans les chemins ravinés, et enfin nous atteignîmes, saines et sauves, la petite place en pente et la petite église moitié ruinée de notre paroisse.

J’étais ivre de joie et d’orgueil d’avoir fait à pied cette course réputée fatigante ; mais l’aspect