Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/97

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jamais. Je sentis que je devais imiter son silence par respect pour le malheur de ma nourrice et peut-être aussi pour moi-même. L’enfance a certaines délicatesses d’instinct qui lui sont d’autant plus faciles qu’elle n’en mesure pas l’étendue.

L’espèce de trouble que Denise avait jeté dans mes notions sur les sentiments humains se dissipa donc d’autant plus vite que je n’en fis part à personne. Je n’eus plus de nouvelles de ma nourrice que de loin en loin, quand madame Capeforte ou le docteur venait nous voir. Tantôt on me disait : « Elle ne va pas mal, » et tantôt : « Elle ne va guère mieux ; » ce qui ne s’accordait pas précisément et ne pouvait me donner une bien juste appréciation de son état. Malgré la frayeur qu’elle m’avait causée, j’aurais voulu la voir. Ma grand’mère ne me le permit pas, bien que la Capeforte s’offrit à me conduire au couvent. Denise était devenue un prétexte aux assiduités de cette dame auprès de ma bonne maman, qui s’en fût fort bien passée, et qui n’osait la payer de son tyrannique dévouement par des rebuffades.

Madame Capeforte était curieuse comme une pie ; elle regardait tout, interrogeait tout le monde, et, quand, pour lui faire sentir qu’elle était importune, on la faisait un peu attendre au salon, elle en paraissait charmée ; elle s’en allait dans les