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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/146

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mence, qui ne s’en servait presque jamais et en faisait peu de cas. L’esprit de Mac-Allan était moins nourri, mais plus orné. Il avait beaucoup vu, et, s’il n’avait pas examiné les grandes racines des choses, il en avait du moins saisi la physionomie avec beaucoup de goût et de netteté. Ses récits de voyages étaient instructifs et amusants. Il avait le sens artiste, l’expression pittoresque. Il jugeait assez bien les hommes, avec un peu trop d’indulgence selon moi, car le bien et le mal me frappaient vivement, tandis qu’il les accordait quelquefois dans une sorte d’antithèse fatale qu’il jugeait nécessaire à l’équilibre universel. Quelquefois il me paraissait sceptique par manque de profondeur ; en d’autres moments, j’étais frappée de la solidité de ses analyses, et je le sentais très-supérieur à moi dans la pratique de la vie morale et philosophique. Il ne savait pas méditer comme Frumence et sortir de sa méditation avec une victoire sur lui-même, ou avec une notion plus vaste de l’objet de sa recherche. Plus instinctif et plus impatient, il attrapait ses idées au vol et ses certitudes à coups de flèche ; mais il visait juste, et l’esprit lui tenait lieu de génie.