élément, et il parcourait d’ailleurs un pays souvent exploré. Pour moi, qui n’étais jamais sortie de ma montagne, les autres montagnes, la chaîne de l’Estrelle et la forêt des Mores furent un grand sujet d’intérêt et d’attention. Nice ne me plut pas, j’y trouvai trop de bruit, trop de luxe, trop de civilisation, et surtout trop d’Anglais. Je ne demandai pas à y rester plus d’un jour, j’étais pressée de voir la retraite que Mac-Allan m’avait promise à Sospello. Elle était charmante, petite, propre, simplement meublée, isolée, commode, fraîche et silencieuse, le pays admirable, en pleine montagne, avec des rochers, des cascades et une végétation auprès desquels notre pauvre Provence m’apparut si sèche et si petite, que j’étais un peu honteuse de l’avoir tant admirée.
Les premiers jours furent une ivresse. Je n’étais pas seulement naturaliste par éducation et par goût, j’étais artiste aussi sans le savoir, et les grands paysages m’impressionnaient autant que les charmants détails des localités. Ce plaisir immense qui s’empara de moi à la vue des Alpes fut une surprise très-douce, et je me demandai si, avec une faculté si vive et une jouissance si personnelle, je pourrais jamais être malheureuse, quelle que fût ma condition. Comme tous les jeunes cerveaux romanesques, je m’enivrai de