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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/251

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la première de ma vie. J’en éprouvai fort peu, tant j’étais absorbée par ma blessure intérieure et par la stupeur de ma déception. Je dois dire que Frumence se refusa tout d’abord à croire que Mac-Allan fût coupable ; mais Jennie avait été si frappée du silence de John, et il y avait eu quelque chose de si frappant aussi dans celui qu’il avait gardé en nous accompagnant et en nous quittant, que Frumence fut ébranlé. N’importe, il voulait avoir une explication avec John ou avec Mac-Allan. Je m’y opposai si énergiquement et Jennie l’y encouragea si peu, qu’il resta en proie à une grande indécision.

Après une nuit d’accablement, je me levai de bonne heure et je marchai seule, au hasard, dans la montagne. J’allai jusqu’auprès du régas de Dardenne sans savoir où j’étais. Quand je me reconnus au rude sentier à pic qu’il faut gravir, je m’enfonçai avec plaisir dans cette austère solitude, et, parvenue à la bouche béante de l’abîme, je me demandai si je ne ferais pas un acte de raison et de vertu en m’y ensevelissant pour jamais. Je n’avais plus rien dans l’avenir qui me fit désirer de vivre, et je n’étais retenue dans ce monde que par deux excellents amis, Frumence et Jennie, dont j’étais certes le tourment et le fléau. N’étais-je pas l’obstacle à leur union ? Jennie n’allait-elle pas reprendre, maintenant que j’étais ruinée et trahie, le