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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/289

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qui m’ont forcé d’avoir plusieurs affaires. Il en est résulté qu’on me croit duelliste et mauvaise tête, et que j’ai perdu l’appui de mes protecteurs. Me voilà sans ressources, car je n’ai pas pu faire d’économies. La position qu’on m’avait donnée m’entraînait à des dépenses pour paraître décemment dans le monde, et je n’ai rien pu mettre de côté. Que veux-tu que je devienne dans de telles circonstances ? Je ne peux pas exercer un métier, ta grand’mère ne m’en a pas fait apprendre, et elle a eu tort, puisqu’elle ne songeait pas à me faire un legs. Je ne peux donc pas t’offrir d’être ton soutien, je ne sais pas me soutenir moi-même.

« Dans cette extrémité, et ne pouvant descendre aux horreurs et aux avanies de la misère, j’ai été contraint ou de me jeter à l’eau ou d’accepter la main d’une personne que je n’aime certainement pas d’amour et que j’aurai bien de la peine à prendre au sérieux. Tu devines de qui il s’agit. Elle a essayé de te parler de moi, elle voulait te faire cette confidence ; mais tu as détourné la tête avec mépris et la conversation avec empressement. Tu me dédaignes bien, Lucienne, et tu me hais peut-être… Cette pensée m’est insupportable. Écris-moi un mot, dis-moi que tu me pardonnes, ou que tu m’oublies ; car, sans cela, je suis capable de reprendre la parole que m’a arrachée le docteur