Page:Sand - Constance Verrier.djvu/100

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« Je l’aimai pourtant plus d’une année, avec la certitude que j’aimais seule, et ce ne fut pas un petit martyre, croyez-le bien. J’étais si éprise que je craignais, avant tout, de déplaire à mon idole. Je veillais à mes regards, à mes paroles, à mon attitude. S’il me surprenait affaissée dans une rêverie douloureuse, je me levais, je courais au piano, et je jouais une valse ou une fanfare de chasse. Si, profitant de ce qu’il ne me voyait pas, je m’oubliais à le contempler, dès qu’il tournait les yeux vers moi, j’affectais d’admirer mon éventail ou d’arranger mes rubans. Quand, malgré moi, j’avais pleuré, je me cachais comme un enfant coupable. Enfin, je me défendais de trop penser à lui comme si c’eût été une infraction au devoir que d’adorer mon mari.

« Je le redoutais comme un tyran, bien qu’il fût d’un caractère égal et d’une parfaite politesse à tous les moments de la vie. Je ne pouvais me confier à personne ; ma mère m’eût grondée, mon père m’eût raillée. Mes frères et sœurs, tous établis et occupés de leur propre existence, m’eussent engagée à me contenter de la mienne, qui leur paraissait splendide ; mes sœurs m’enviaient mon titre. Je vivais donc dans la solitude de l’âme la plus effrayante, avec un secret dont l’aveu eût achevé d’éloigner et de refroidir l’objet de mon culte. »

— Eh bien ! dit la Mozzelli en interrompant la duchesse, je trouve votre histoire plus navrante et plus sombre que la mienne ! Est-il possible qu’après un