Page:Sand - Constance Verrier.djvu/104

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que j’exerçais en cachette contre mon mari. Je dévorai Balzac et plusieurs autres ; je ne m’intéressais qu’à ce qui avait du rapport avec ma situation, mais je m’y intéressais si vivement que j’arrivais à m’oublier moi-même pour pleurer sur le sort des femmes trompées.

« En racontant ces détails à la marquise, je conclus par un aveu qui arrivait à mes lèvres sans que mon cœur eût encore osé le formuler ; et cet aveu, c’est que je n’aimais plus le duc, et que même je craignais d’arriver bientôt à le haïr autant que je l’avais aimé.

« — Ah ! voilà justement ce que je prévoyais ! répondit ma vieille marraine. Vous vous jetez dans les extrêmes, et vous tombez dans le faux pour ne pas dire dans le mal ! Le duc avait raison, vous êtes née romanesque, et vos lectures vont achever de vous perdre, à moins que vous ne suiviez mes conseils.

« — Quels conseils ? dites, j’essaierai !

« — Eh bien ! voilà ! Prenez-moi M. de Balzac, M. Dumas, M. Alphonse Karr, M. Eugène Sue, M. Frédéric Soulié, e tutti quanti, et jetez-moi au feu tout ce monde-là. Ce sont des exaltés, des fous, des amants de l’impossible, des abstracteurs de quintessence. Lisez-moi de bons vieux livres, non pas les romans jacobins du siècle dernier, qui sont encore pis que ceux d’aujourd’hui ; mais des mémoires de l’ancienne cour, les faits et gestes de la saine galanterie depuis Louis XIII jusqu’à la fin de Louis XV le Bien-Aimé. Je ne vous dis pas de suivre à la lettre le système des trop promptes