Page:Sand - Constance Verrier.djvu/106

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pour moi un fil conducteur dans le labyrinthe de mes lectures.

« — Non, non, dit-elle, ce que vous demandez n’est pas possible. Chacun puise dans la lecture et dans la réflexion la dose de sagesse dont il a besoin, pour tirer ensuite de l’expérience la dose de hardiesse ou de prudence dont il est capable. Je n’ai jamais été belle, et vous l’êtes. Je n’ai été que piquante et fine ; vous êtes imposante et sentimentale. Ce qui m’a servi ne vous serait bon à rien. C’est à vous de trouver ce qui convient à vos penchants et à votre manière d’être. Soyez tranquille ! cette découverte se fera d’elle-même à mesure que vous vous instruirez.

« Je commentai l’oracle mystérieux de ma vieille sibylle. Mais j’étais encore trop jeune et trop naïve pour le pénétrer. Je suivis son conseil ; je lus tous les pamphlets, tous les mémoires, toute l’histoire secrète des anciennes cours, et, chose remarquable, mon mari, qui eût jeté par la fenêtre les romans modernes comme une funeste apologie de l’amour idéal, me vit sans inquiétude creuser les annales de l’audacieuse galanterie de nos aïeules. Il approuva même cette étude, et je pus m’y plonger sans cacher les volumes au fond de ma chiffonnière lorsque j’entendais sa voix dans l’antichambre.

« Tout ceci m’effraya d’abord, et je faillis jeter là ces livres effrontément véridiques, destructeurs de toute poésie, contempteurs de tout enthousiasme. Il me fallut bien de la volonté pour accepter les poëmes