Page:Sand - Constance Verrier.djvu/112

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d’une femme, un homme qui remplit l’horrible mission de tuer l’amour dans son cœur. Dans ma vie à moi, il y a eu un lâche assassin, le vieux patricien de Gênes ; et dans la vôtre, madame la duchesse, il y a eu un meurtrier brutal, M. le duc d’Évereux.

— Ou une empoisonneuse comme la Rita de Recco, ajouta Constance ; je veux dire la vieille marquise !

— Bah ! bah ! bah ! répondit la belle Sibylle en se renversant nonchalamment sur son fauteuil avec un rire superbe ; ces meurtriers-là sont peut-être d’habiles médecins qui nous délivrent d’un parasite funeste. L’amour, tel que vous l’entendez, chères belles, est une espèce de champignon vénéneux, produit d’une civilisation malade. Lisez certains raisonneurs modernes, et vous verrez que les lyristes de l’amour sont les vrais empoisonneurs qu’il faut pendre. L’aphorisme est brutal, j’en conviens. Moi, je ne suis pas si en colère que ces messieurs-là, contre les pauvres croyants qui se trompent de siècle, et je ne les exilerais que dans les planètes où règne l’âge d’or, s’il y a encore de ces planètes-là dans l’azur du ciel. Je n’ai pas de raison pour haïr ceux qui rêvent et ceux qui chantent : cela prouve qu’ils vivent. Je ne suis pas non plus pour ou contre les morts ou les impuissants ; je ne les plains ni ne les envie. Ils sont ce qu’ils sont. Destinés à dire non, ils représentent, dans la création, l’antithèse nécessaire du oui. Je ris de tous les systèmes et je tolère toutes les manières de voir et d’exister. Mais je vous dis, avec connaissance de cause,