Page:Sand - Constance Verrier.djvu/142

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inconnu dont je vous parle, ce n’est pas le plus ou le moins d’intimité : c’est la transformation qui s’opère dans l’esprit quand le cœur rassasié se sent languir et succomber sous sa propre plénitude. Quand on s’aperçoit que l’amour se change en amitié, il y a un effroi et un chagrin profond que vous ne connaissez pas. La flamme est une chose trop active pour ne pas s’épuiser vite, et quand elle nous quitte il faut mourir ou la chercher ailleurs.

— La chercher encore, oui ! la chercher toujours ! répondit Constance ; mais pourquoi la chercher ailleurs ? Un autre homme vous en rendra-t-il une aussi vive et plus durable ?

— Pourquoi pas, quand notre cœur est puissant et vivace ?

— Employez cette puissance à le guérir de sa propre lassitude.

— Mais quand l’amant est indigne ?

— Ceci est une autre question où je ne saurais entrer. Vidons seulement la première. Vous avez dit que votre cœur se lassait par la possession même du bonheur ; ce n’est donc la faute de personne, mais la vôtre.

— C’est celle de la nature humaine.

— Ah ! oui ! toujours la nature humaine ! Qu’est-ce que c’est que cela ? où la prenez-vous ? Chez les Orientaux qui ont cent femmes, ou chez les prêtres catholiques qui n’en ont pas du tout ? Chez les sauvages qui brûlent ou mangent leurs ennemis, ou chez nous qui