Page:Sand - Constance Verrier.djvu/206

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qui prêchent un idéal impossible. Seulement, la fatalité vous a bien desservi ! Et puis vous avez été imprudent, vous avez tenté la destinée. Quand on a en vue un mariage comme celui qui vous attendait, et pour fiancée une femme aussi parfaite que Constance, on ne se permet ni fantaisies ni distractions avec les femmes du monde, encore moins avec les actrices, qui sont fort en évidence et qui ne se piquent pas de bien garder leurs propres secrets. Dans votre position, on est plus humble, on se contente de moindres aventures, de tout ce qui n’enchaîne pas et ne reparaît pas. Dans ces conditions-là, on n’a jamais rien à confesser ni à expliquer. On a le droit d’oublier soi-même et de se croire aussi fidèle qu’un chevalier errant des anciens jours.

— Ainsi, répondit Raoul, étonné de cette morale étrange, c’est vous, madame, qui me faites des reproches ?

— Pourquoi pas ? reprit la duchesse. J’ai été un peu coquette avec vous, j’en conviens…

— Non pas ! effroyablement coquette !

— Soit ! c’était à vous de vous défendre, et je n’ai jamais vu qu’une femme eût à se reprocher la faiblesse d’un homme. Vous ne m’aviez parlé ni de la Mozzelli ni de Constance ; j’ai dû vous croire parfaitement libre. Mais je ne vous en veux pas, et je ne me mets nullement en cause, dans un moment où Constance seule m’intéresse et vous préoccupe. Si je vous parle d’elle, c’est parce que je veux, autant que possible,