Page:Sand - Constance Verrier.djvu/46

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« Au bout de cette seconde lune de miel, je reçus de lui, à mon réveil, une petite lettre où il me disait à peu près ceci :

« Ma chère amie, je ne peux pas rester plus longtemps avec toi. Je sens que je m’attacherais trop à toi et que je ne pourrais plus te quitter. Ce serait la perte de mon avenir. J’ai dépensé, ce mois-ci, avec toi, mes derniers sous, et mon père, qui ne plaisante pas, me coupe les vivres. Mais, aussitôt rendu à Marseille, j’emprunterai sur ma dot, et je t’enverrai de quoi aviser à ton propre avenir sans retomber dans la misère. Tu as une jolie voix et du goût pour la musique. Tu devrais apprendre à chanter. Ça pourrait te servir un jour. Je te quitte la mort dans l’âme, mais je ne veux pas te tromper, et je compte sur ton courage et ton bon sens. »

« Je crus rêver. Je m’habillai, à demi folle ; j’interrogeai les gens de l’hôtel, qui, en riant, me montrèrent, à l’horizon, la fumée du bateau à vapeur. Il était parti, et moi je repris machinalement le chemin du rivage.

« J’entrai dans les jardins déserts, et abandonnés à tout venant, du palais Doria. La mer était là ; je n’avais qu’un pas à faire pour en finir.

« Mais la raison m’apparut, la froide raison dans toute sa laideur ! Ce jeune homme était dans son droit, dans le vrai, dans le réel. Il ne me devait pas plus qu’il n’avait fait pour moi en me donnant trois mois de bien-être et de plaisirs. Il n’était pas coupable