Page:Sand - Constance Verrier.djvu/54

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que mon compagnon s’en impatientait et m’en arrachait par des reproches et des moqueries.

« Ici, pensai-je, je pourrai chanter à mon aise, les jours où le patron n’y sera pas ; et, sur l’heure, je me mis à essayer ma voix dans le salon, cherchant à m’accompagner, d’un doigt, sur les touches du piano, et me faisant souffrir moi-même quand je ne rencontrais pas la note qu’il me fallait, mais chantant quand même, à tue-tête, mal ou bien ! À présent que je sais ce que c’est que chanter, je ne me fais aucune idée de ce que mon cri d’oiseau pouvait être dans ce temps-là.

« Je m’arrêtai toute confuse en voyant entrer le patron. Vous avez une voix superbe et une individualité musicale, me dit-il ; mais vous ne savez rien. Voulez-vous apprendre ?

« — Qui m’enseignera ? Je n’ai pas le moyen…

« — Vous aurez un excellent professeur ; je m’en charge. Sachez, ma chère enfant, que je ne prétends pas faire de vous une servante, mais une fille adoptive. Vous m’intéressez, et j’aime à faire le bien.

« Et, comme j’hésitais à accepter : — Qu’est-ce que vous avez donc ? reprit-il ; de la méfiance ? C’est mal ! Je vous croyais plus naïve. Mais je vois ce que c’est ; dans la compagnie d’un séducteur sans âme et sans principes, vous avez appris le doute. Guérissez-vous de cette maladie qui flétrit la jeunesse et qui m’offenserait. Je suis un homme sérieux, moi, et mon amitié pour vous a le désintéressement qui convient à mon âge et à ma raison.