Page:Sand - Constance Verrier.djvu/72

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« — Eh bien, elle a appris, elle a réussi, et, à présent qu’elle en sait assez, elle ne réussit plus ; elle a fait son temps, laissez-moi faire le mien.

« Je débutai huit jours après dans la Gazza ladra, après trois répétitions et des journées entières consacrées à apprendre en secret mon rôle, que je ne m’étais pas vantée de ne pas savoir. Mais j’avais étudié les principaux airs avec un bon professeur, et je ne les disais pas trop mal ; je n’avais pas la moindre notion de l’art dramatique, ni de la mise en scène. Mais, en Italie, tout s’improvise, l’amour, la guerre, l’art et le succès. Le mien fut complet : ma gaucherie plut comme une grâce et ma jeunesse comme un mérite. Tout ce que je manquai ou estropiai misérablement fut accueilli par des rires pleins de bienveillance ; tout ce que je réussis fut applaudi avec enthousiasme. Enfin, le public véronais m’adopta comme un enfant que l’on veut gâter, et mon engagement fut signé après la représentation, non sans beaucoup de sarcasmes de la part du vieux directeur et de mes nouveaux camarades.

« Si j’eusse manqué d’intelligence et de volonté, j’étais perdue ; car on avait mis beaucoup de mes défauts sur le compte de l’émotion, et si j’avais dans le public une majorité de partisans bénévoles, je ne devais peut-être pas tarder à y trouver une réaction inquiétante. J’en étais parfois épouvantée, mais je me disais : Aide-toi, le ciel t’aidera ; et je fis si bien que, d’une représentation à l’autre, on put constater des