Page:Sand - Constance Verrier.djvu/75

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son amour. Mais cet amour était sincère et dévoué, et je ne fus pas longue à m’en apercevoir.

« Comment la reconnaissance me gagna, ne me le demandez pas trop ; je serais forcée d’avouer que je ne m’en souviens pas bien. Et que ceci ne vous paraisse pas le fait d’une fille trop légère. J’étais, à ce moment de ma vie, plus et moins que cela. J’étais ivre, j’abordais le théâtre et j’entrais dans l’art. J’avais du succès et de l’espérance ; je sortais d’un rêve affreux, d’un cauchemar et d’un effroi mortels ; je sentais le besoin impérieux de vivre, de rajeunir, c’est-à-dire de me retremper, par l’amour jeune et vrai, dans la foi qui me quittait. J’étais naturellement en réaction violente contre l’hypocrisie qui s’était jouée de moi, et tous mes doux souvenirs de la villetta de Recco étaient empoisonnés. J’étais pressée d’oublier ces joies perfides, cette amitié maudite. Tout ce qui pouvait me jeter bien vite dans un courant contraire m’appelait irrésistiblement. Je ne fis point de réflexions, je n’eus pas de repentir, je ne cherchai plus dans ma conscience le mot de ma destinée. J’étais artiste, Ardesi était mon initiateur, mon protecteur contre des rivalités dangereuses, mon conseil et mon ami. Je lui dois en grande partie ce que je suis. Je ne l’oublierai jamais, et je ne rougis pas de son souvenir. »