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consuelo.

des figurantes, tout était en rumeur au théâtre San-Samuel, pour ou contre le début ; et il est vrai de dire qu’on s’en occupait beaucoup plus dans la république que des actes de la nouvelle administration du doge Pietro Grimaldi, lequel venait de succéder paisiblement à son prédécesseur le doge Luigi Pisani.

Consuelo s’affligeait et s’ennuyait profondément de ces lenteurs et de ces misères attachées à sa carrière naissante. Elle eût voulu débuter tout de suite, sans préparation autre que celle de ses propres moyens et de l’étude de la pièce nouvelle. Elle ne comprenait rien à ces mille intrigues qui lui semblaient plus dangereuses qu’utiles, et dont elle sentait bien qu’elle pouvait se passer. Mais le comte, qui voyait de plus près les secrets du métier, et qui voulait être envié et non bafoué dans son bonheur imaginaire auprès d’elle, n’épargnait rien pour lui faire des partisans. Il la faisait venir tous les jours chez lui, et la présentait à toutes les aristocraties de la ville et de la campagne. La modestie et la souffrance intérieure de Consuelo secondaient mal ses desseins ; mais il la faisait chanter, et la victoire était brillante, décisive, incontestable.

Anzoleto était loin de partager la répugnance de son amie pour les moyens secondaires. Son succès à lui n’était pas à beaucoup près aussi assuré. D’abord le comte n’y portait pas la même ardeur ; ensuite le ténor auquel il allait succéder était un talent de premier ordre, qu’il ne pouvait point se flatter de faire oublier aisément. Il est vrai que tous les soirs il chantait aussi chez le comte ; que Consuelo, dans les duos, le faisait admirablement ressortir, et que, poussé et soutenu par l’entraînement magnétique de ce génie supérieur au sien, il s’élevait souvent à une grande hauteur. Il était donc fort applaudi et fort encouragé. Mais après la surprise que sa belle voix