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consuelo.

« Amici miei, questo è un portento !  »

Elle chanta son grand air de début, et fut interrompue dix fois ; on cria bis ! on la rappela sept fois sur la scène ; il y eut des hurlements d’enthousiasme. Enfin la fureur du dilettantisme vénitien s’exhala dans toute sa fougue à la fois entraînante et ridicule.

« Qu’ont-ils donc à crier ainsi ? dit Consuelo en rentrant dans la coulisse pour en être arrachée aussitôt par les vociférations du parterre : on dirait qu’ils veulent me lapider. »

De ce moment on ne s’occupa plus que très-secondairement d’Anzoleto. On le traita bien, parce qu’on était en veine de satisfaction ; mais la froideur indulgente avec laquelle on laissa passer les endroits défectueux de son chant, sans le consoler immodérément à ceux où il s’en releva, lui prouva que si sa figure plaisait aux femmes, la majorité expansive et bruyante, le public masculin faisait bon marché de lui et réservait ses tempêtes d’exaltation pour la prima-donna. Parmi tous ceux qui étaient venus avec des intentions hostiles, il n’y en eut pas un qui hasarda un murmure, et la vérité est qu’il n’y en eut pas trois qui résistèrent à l’entraînement et au besoin invincible d’applaudir la merveille du jour.

La partition eut le plus grand succès, quoiqu’elle ne fût point écoutée et que personne ne s’occupât de la musique en elle-même. C’était une musique tout italienne, gracieuse, modérément pathétique, et qui ne faisait point encore pressentir, dit-on, l’auteur d’Alceste et d’Orphée. Il n’y avait pas assez de beautés frappantes pour choquer l’auditoire. Dès le premier entr’acte, le maestro allemand fut rappelé devant le rideau avec le débutant, la débutante, voire la Clorinda qui, grâce à la protection de Consuelo, avait nasillé le second rôle d’une voix pâteuse et avec un accent commun, mais dont les beaux bras