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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/155

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consuelo.

« Tu es une folle, chère Corilla, répondit-il ; la Consuelo n’est pas aussi redoutable pour toi que tu te l’es représentée aujourd’hui dans ton imagination malade. Quant à moi, je te l’ai dit, je ne suis pas son amant, je ne serai sûrement jamais son mari, et je ne vivrai pas comme un oiseau chétif sous l’ombre de ses larges ailes. Laisse-la prendre son vol. Il y a dans le ciel de l’air et de l’espace pour tous ceux qu’un essor puissant enlève de terre. Tiens, regarde ce passereau ; ne vole-t-il pas aussi bien sur le canal que le plus lourd goéland sur la mer ? Allons ! trêve à ces rêveries ! le jour me chasse de tes bras. À demain. Si tu veux que je revienne, reprends cette douceur et cette patience qui m’avaient charmé, et qui vont mieux à ta beauté que les cris et les emportements de la jalousie. »

Anzoleto, absorbé pourtant dans de noires pensées, se retira chez lui, et ce ne fut que couché et prêt à s’endormir, qu’il se demanda qui avait dû accompagner Consuelo au sortir du palais Zustiniani pour la ramener chez elle. C’était un soin qu’il n’avait jamais laissé prendre à personne.

« Après tout, se dit-il en donnant de grands coups de poing à son oreiller pour l’arranger sous sa tête, si la destinée veut que le comte en vienne à ses fins, autant vaut pour moi que cela arrive plus tôt que plus tard ! »


XVIII.

Lorsque Anzoleto s’éveilla, il sentit se réveiller aussi la jalousie que lui avait inspirée le comte Zustiniani. Mille sentiments contraires se partageaient son âme. D’abord cette autre jalousie que la Corilla avait éveillée en lui pour le génie et le succès de Consuelo. Celle-là s’enfonçait plus avant dans son sein, à mesure qu’il comparait le triomphe