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consuelo.

vais à la répétition : on m’attend. Tu peux, si tu ne me crois pas, aller faire un tour dans la ville, tu te convaincras de la vérité.

— Ah ! furie ! s’écria Anzoleto, tu l’emportes ! mais tu m’arraches la vie. »

Et il tomba évanoui sur le tapis de Perse de la courtisane.

XXI.

Le plus embarrassé de son rôle, lors de la fuite de Consuelo, ce fut le comte Zustiniani. Après avoir laissé dire et donné à penser à tout Venise que la merveilleuse débutante était sa maîtresse, comment expliquer d’une manière flatteuse pour son amour-propre qu’au premier mot de déclaration elle s’était soustraite brusquement et mystérieusement à ses désirs et à ses espérances ? Plusieurs personnes pensèrent que, jaloux de son trésor, il l’avait cachée dans une de ses maisons de campagne. Mais lorsqu’on entendit le Porpora dire avec cette austérité de franchise qui ne s’était jamais démentie, le parti qu’avait pris son élève d’aller l’attendre en Allemagne, il n’y eut plus qu’à chercher les motifs de cette étrange résolution. Le comte affecta bien, pour donner le change, de ne montrer ni dépit ni surprise ; mais son chagrin perça malgré lui, et on cessa de lui attribuer cette bonne fortune dont on l’avait tant félicité. La majeure partie de la vérité devint claire pour tout le monde ; savoir : l’infidélité d’Anzoleto, la rivalité de Corilla, et le désespoir de la pauvre espagnole, qu’on se prit à plaindre et à regretter vivement.

Le premier mouvement d’Anzoleto avait été de courir chez le Porpora ; mais celui-ci l’avait repoussé sévèrement :

« Cesse de m’interroger, jeune ambitieux sans cœur