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consuelo.

viteur, par qui cette lettre vous a-t-elle été remise ?

— Par une dame, monseigneur maître.

— Elle est déjà ici ? s’écria Amélie. Où donc, où donc ?

— Dans sa chaise de poste, à l’entrée du pont-levis.

— Et vous l’avez laissée se morfondre à la porte du château, au lieu de l’introduire tout de suite au salon ?

— Oui, madame la baronne, j’ai pris la lettre ; j’ai défendu au postillon de mettre le pied hors de l’étrier, ni de quitter ses rênes. J’ai fait relever le pont derrière moi, et j’ai remis la lettre à monseigneur maître.

— Mais c’est absurde, impardonnable, de faire attendre ainsi par le mauvais temps les hôtes qui nous arrivent ! Ne dirait-on pas que nous sommes dans une forteresse, et que tous les gens qui en approchent sont des ennemis ! Courez donc, Hanz ! »

Hanz resta immobile comme une statue. Ses yeux seuls exprimaient le regret de ne pouvoir obéir aux désirs de sa jeune maîtresse ; mais un boulet de canon passant sur sa tête n’eût pas dérangé d’une ligne l’attitude impassible dans laquelle il attendait les ordres souverains de son vieux maître.

« Le fidèle Hanz ne connaît que son devoir et sa consigne, ma chère enfant, dit enfin le comte Christian avec une lenteur qui fit bouillir le sang de la baronne. Maintenant, Hanz, allez faire ouvrir la grille et baisser le pont. Que tout le monde aille avec des flambeaux recevoir la voyageuse ; qu’elle soit ici la bienvenue ! »

Hanz ne montra pas la moindre surprise d’avoir à introduire d’emblée une inconnue dans cette maison, où les parents les plus proches et les amis les plus sûrs n’étaient jamais admis sans précautions et sans lenteurs. La chanoinesse alla donner des ordres pour le souper de l’étrangère. Amélie voulut courir au pont-levis ; mais son oncle, tenant à honneur d’aller lui-même à la rencontre