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consuelo.

À peine avait-elle fini cette explication, que le chapelain vint à passer. Celui-là aussi était gros, mais court et blême comme un lymphatique. La vie contemplative ne convient pas à ces épaisses natures slaves, et l’embonpoint du saint homme était maladif. Il se contenta de saluer profondément les deux dames, parla bas à un domestique, et disparut par le même chemin que le baron avait pris. Aussitôt, le vieux Hanz et un autre de ces automates que Consuelo ne pouvait distinguer les uns des autres, tant ils appartenaient au même type robuste et grave, se dirigèrent vers le salon. Consuelo, ne trouvant plus la force de faire semblant de manger, se retourna pour les suivre des yeux. Mais avant qu’ils eussent franchi la porte située derrière elle, une nouvelle apparition plus saisissante que toutes les autres se présenta sur le seuil : c’était un jeune homme d’une haute taille et d’une superbe figure, mais d’une pâleur effrayante. Il était vêtu de noir de la tête aux pieds, et une riche pelisse de velours garnie de martre était retenue sur ses épaules par des brandebourgs et des agrafes d’or. Ses longs cheveux, noirs comme l’ébène, tombaient en désordre sur ses joues pâles, un peu voilées par une barbe soyeuse qui bouclait naturellement. Il fit aux serviteurs qui s’étaient avancés à sa rencontre un geste impératif, qui les força de reculer et les tint immobiles à distance, comme si son regard les eût fascinés. Puis, se retournant vers le comte Christian, qui venait derrière lui :

« Je vous assure, mon père, dit-il d’une voix harmonieuse et avec l’accent le plus noble, que je n’ai jamais été aussi calme. Quelque chose de grand s’est accompli dans ma destinée, et la paix du ciel est descendue sur notre maison.

— Que Dieu t’entende, mon enfant ! » répondit le