exprimé une satisfaction douce et profonde qu’on n’y retrouvait déjà plus. On s’en étonna, et on en parla tout bas à l’abbé avec inquiétude. Il regarda Albert, et se retournant avec surprise vers ceux qui l’interrogeaient dans un coin de l’appartement :
« — Je ne trouve rien d’extraordinaire dans la figure de monsieur le comte, répondit-il ; il a l’expression digne et paisible que je lui ai vue depuis huit ans que j’ai l’honneur de l’accompagner.
« Le comte Christian se paya de cette réponse.
« — Nous l’avons quitté encore paré des roses de l’adolescence, dit-il à sa sœur, et souvent, hélas ! en proie à une sorte de fièvre intérieure qui faisait éclater sa voix et briller ses regards ; nous le retrouvons bruni par le soleil des contrées méridionales, un peu creusé par la fatigue peut-être, et de plus entouré de la gravité qui convient à un homme fait. Ne trouvez-vous pas, ma chère sœur, qu’il est mieux ainsi ?
« — Je lui trouve l’air bien triste sous cette gravité, répondit ma bonne tante, et je n’ai jamais vu un homme de vingt-huit ans aussi flegmatique et aussi peu discoureur. Il nous répond par monosyllabes.
« — Monsieur le comte a toujours été fort sobre de paroles, répondit l’abbé.
« — Il n’était point ainsi autrefois, dit la chanoinesse. S’il avait des semaines de silence et de méditation, il avait des jours d’expansion et des heures d’éloquence.
« — Je ne l’ai jamais vu se départir, reprit l’abbé, de la réserve que votre seigneurie remarque en ce moment.
« — L’aimiez-vous donc mieux alors qu’il parlait trop, et disait des choses qui nous faisaient trembler ? dit le comte Christian à sa sœur alarmée ; voilà bien les femmes !
« — Mais il existait, dit-elle, et maintenant il a l’air