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consuelo.

long oubli des soins de sa personne. Depuis ce jour-là, il a constamment refusé de se raser et de se poudrer comme les autres hommes ; c’est pourquoi vous lui avez trouvé l’aspect d’un revenant.

« Ma tante s’élança vers lui en faisant un grand cri.

« — Qu’avez-vous donc, ma chère tante ? dit-il en lui baisant la main. On dirait que vous ne m’avez pas vu depuis un siècle !

« — Mais, malheureux enfant ! s’écria-t-elle ; il y a sept jours que tu nous as quittés sans nous rien dire ; sept mortels jours, sept affreuses nuits, que nous te cherchons, que nous te pleurons, et que nous prions pour toi !

« — Sept jours ? dit Albert en la regardant avec surprise. Il faut que vous ayez voulu dire sept heures, ma chère tante ; car je suis sorti ce matin pour me promener, et je rentre à temps pour souper avec vous. Comment ai-je pu vous causer une pareille inquiétude par une si courte absence ?

« — Sans doute, dit-elle, craignant d’aggraver son mal en le lui révélant, la langue m’a tourné ; j’ai voulu dire sept heures. Je me suis inquiétée parce que tu n’as pas l’habitude de faire d’aussi longues promenades, et puis j’avais fait cette nuit un mauvais rêve : j’étais folle.

« — Bonne tante, excellente amie ! dit Albert en couvrant ses mains de baisers, vous m’aimez comme un petit enfant. Mon père n’a pas partagé votre inquiétude, j’espère ?

« — Nullement. Il t’attend pour souper. Tu dois avoir bien faim ?

« — Fort peu. J’ai très bien dîné.

« — Où donc, et quand donc, Albert ?

« — Ici, ce matin, avec vous, ma bonne tante. Vous n’êtes pas encore revenue à vous-même, je le vois. Oh !