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consuelo.

Consuelo faillit tomber à la renverse, et cependant elle ne put détacher ses yeux hagards de la terrible statue. Ce qui la confirmait dans la croyance que c’était une figure de pierre, c’est qu’elle ne sembla pas entendre le cri d’effroi que Consuelo laissa échapper, et qu’elle remit ses deux grandes mains blanches l’une contre l’autre, sans paraître avoir le moindre rapport avec le monde extérieur.

XXXIV.

Si l’ingénieuse et féconde Anne Radcliffe se fût trouvée à la place du candide et maladroit narrateur de cette très-véridique histoire, elle n’eût pas laissé échapper une si bonne occasion de vous promener, madame la lectrice, à travers les corridors, les trappes, les escaliers en spirale, les ténèbres et les souterrains pendant une demi-douzaine de beaux et attachants volumes, pour vous révéler, seulement au septième, tous les arcanes de son œuvre savante. Mais la lectrice esprit fort que nous avons charge de divertir ne prendrait peut-être pas aussi bien, au temps où nous sommes, l’innocent stratagème du romancier. D’ailleurs, comme il serait fort difficile de lui en faire accroire, nous lui dirons, aussi vite que nous le pourrons, le mot de toutes nos énigmes. Et pour lui en confesser deux d’un coup, nous lui avouerons que Consuelo, après deux secondes de sang-froid, reconnut, dans la statue animée qu’elle avait devant les yeux, le vieux comte Christian qui récitait mentalement ses prières du matin dans son oratoire ; et dans ce soupir de componction qui venait de lui échapper à son insu, comme il arrive souvent aux vieillards, le même soupir diabolique qu’elle avait cru entendre à son