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énergie, une originalité et une verve remarquables. Certes, son goût ne fut pas toujours pur, ni son exécution sans reproche dans toutes les parties du morceau ; mais il sut toujours se relever par des traits d’audace, par des éclairs d’intelligence et des élans d’enthousiasme. Il manqua des effets que le compositeur avait ménagés ; mais il en trouva d’autres auxquels personne n’avait songé, ni l’auteur qui les avait tracés, ni le professeur qui les avait interprétés, ni aucun des virtuoses qui les avaient rendus. Ces hardiesses saisirent et enlevèrent tout le monde. Pour une innovation, on lui pardonna dix maladresses ; pour un sentiment individuel, dix rébellions contre la méthode. Tant il est vrai qu’en fait d’art, le moindre éclair de génie, le moindre essor vers de nouvelles conquêtes, exerce sur les hommes plus de fascination que toutes les ressources et toutes les lumières de la science dans les limites du connu.

Personne peut-être ne se rendit compte des causes et personne n’échappa aux effets de cet enthousiasme. La Corilla venait d’ouvrir la séance par un grand air bien chanté et vivement applaudi ; cependant le succès qu’obtint le jeune débutant effaça tellement le sien qu’elle en ressentit un mouvement de rage. Mais au moment où Anzoleto, accablé de louanges et de caresses, revint auprès du clavecin où elle était assise, il lui dit en se penchant vers elle avec un mélange de soumission et d’audace : « Et vous, reine du chant, reine de la beauté, n’avez-vous pas un regard d’encouragement pour le pauvre malheureux qui vous craint et qui vous adore ? »

La prima-donna, surprise de tant de hardiesse, regarda de près ce beau visage qu’elle avait à peine daigné apercevoir ; car quelle femme vaine et triomphante daignerait faire attention à un enfant obscur et pauvre ? Elle le remarqua enfin ; elle fut frappée de sa beauté : son regard