Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
consuelo.

bonne intelligence que pouvait le permettre l’intolérance du professeur à l’égard de la musique à la mode ; intolérance qui cependant était forcée de s’adoucir à la vue des encouragements que le comte donnait de ses soins et de sa bourse à l’enseignement et à la propagation de la musique sérieuse. En outre, il avait fait représenter à San-Samuel un opéra que ce maître venait de composer.

« Mon cher maître, lui dit Zustiniani en l’attirant à l’écart, il faut que non-seulement vous vous décidiez à vous laisser enlever pour le théâtre une de vos élèves, mais il faut encore que vous m’indiquiez celle qui vous paraîtra la plus propre à remplacer la Corilla. Cette cantatrice est fatiguée, sa voix se perd, ses caprices nous ruinent, le public est bientôt dégoûté d’elle. Vraiment nous devons songer à lui trouver une succeditrice. (Pardon, cher lecteur, ceci se dit en italien, et le comte ne faisait point un néologisme.)

— Je n’ai pas ce qu’il vous faut, répliqua sèchement Porpora.

— Eh quoi, maître, s’écria le comte, allez-vous retomber dans vos humeurs noires ? Est-ce tout de bon qu’après tant de sacrifices et de dévouement de ma part pour encourager votre œuvre musicale, vous vous refusez à la moindre obligeance quand je réclame votre aide et vos conseils pour la mienne ?

— Je n’en ai plus de droit, comte, répondit le professeur ; et ce que je viens de vous dire est la vérité, dite par un ami, et avec le désir de vous obliger. Je n’ai point dans mon école de chant une seule personne capable de vous remplacer la Corilla. Je ne fais pas plus de cas d’elle qu’il ne faut ; mais en déclarant que le talent de cette fille n’a aucune valeur solide à mes yeux, je suis forcé de reconnaître qu’elle possède un savoir-faire, une habitude, une facilité et une communication établie avec les