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consuelo.

— Mon cher Anzoleto, répondit Consuelo, je ne voudrais pas que la Corilla crevât de jalousie pour de semblables jongleries, et si le public m’applaudissait parce que je sais la singer, je ne voudrais plus reparaître devant lui.

— Tu feras donc mieux encore ?

— Je l’espère, ou bien je ne m’en mêlerai pas.

— Eh bien, comment feras-tu ?

— Je n’en sais rien encore.

— Essaie.

— Non ; car tout cela, c’est un rêve, et avant que l’on ait décidé si je suis laide ou non, il ne faut pas que nous fassions tant de beaux projets. Peut-être que nous sommes fous dans ce moment, et que, comme l’a dit M. le comte, la Consuelo est affreuse. »

Cette dernière hypothèse rendit à Anzoleto la force de s’en aller.

IX.

À cette époque de sa vie, à peu près inconnue des biographes, un des meilleurs compositeurs de l’Italie et le plus grand professeur de chant du dix-huitième siècle, l’élève de Scarlatti, le maître de Hasse, de Farinelli, de Cafarelli, de la Mingotti, de Salimbini, de Hubert (dit le Porporino), de la Gabrielli, de la Molteni, en un mot le père de la plus célèbre école de chant de son temps, Nicolas Porpora, languissait obscurément à Venise, dans un état voisin de la misère et du désespoir. Il avait dirigé cependant naguère, dans cette même ville, le Conservatoire de l’Ospedaletto, et cette période de sa vie avait été brillante. Il y avait écrit et fait chanter ses meilleurs opéras, ses plus belles cantates, et ses principaux ouvrages de musique d’église. Appelé à Vienne en 1728, il y avait conquis, après quelque combat, la faveur de l’empereur