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sur le caprice de laquelle il rejeta leur admission et leur succès. Il fit même entendre adroitement qu’il serait très sobre de Hasse, et déclara que si le Porpora voulait écrire un opéra pour Consuelo, le jour où l’élève couvrirait son maître d’une double gloire en exprimant sa pensée dans le style qui lui convenait, ce jour serait celui du triomphe lyrique de San Samuel et le plus beau de la vie du comte.

Le Porpora, vaincu, commença donc à se radoucir, et à désirer secrètement le début de son élève autant qu’il l’avait redouté jusque là, craignant de donner avec elle une nouvelle vogue aux ouvrages de son rival. Mais comme le comte lui exprimait ses inquiétudes sur la figure de Consuelo, il refusa de la lui faire entendre en particulier et à l’improviste.

« Je ne vous dirai point, répondait-il à ses questions et à ses instances, que ce soit une beauté. Une fille aussi pauvrement vêtue, et timide comme doit l’être, en présence d’un seigneur et d’un juge de votre sorte, un enfant du peuple qui n’a jamais été l’objet de la moindre attention, ne saurait se passer d’un peu de toilette et de préparation. Et puis la Consuelo est de celles que l’expression du génie rehausse extraordinairement. Il faut la voir et l’entendre en même temps. Laissez-moi faire : si vous n’en êtes pas content, vous me la laisserez, et je trouverai bien moyen d’en faire une bonne religieuse, qui fera la gloire de l’école, en formant des élèves sous sa direction. »

Tel était en effet l’avenir que jusque là le Porpora avait rêvé pour Consuelo.

Quand il revit son élève, il lui annonça qu’elle aurait à être entendue et jugée par le comte. Mais comme elle lui exprima naïvement sa crainte d’être trouvée laide, il lui fit croire qu’elle ne serait point vue, et qu’elle chan-