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consuelo.

capable de rivaliser avec les illustres chanteuses qui ont paru sur notre scène…

— Tu mens ! s’écria Anzoleto tout animé. Monseigneur, elle ment ! faites-lui chanter les airs les plus ornés et les plus difficiles du répertoire, vous verrez ce qu’elle sait faire.

— Si je ne craignais pas qu’elle fût fatiguée… » dit le comte, dont les yeux pétillaient déjà d’impatience et de désir.

Consuelo tourna les siens naïvement vers le Porpora, comme pour prendre ses ordres.

« Au fait, dit celui-ci, comme elle ne se fatigue pas pour si peu, et comme nous sommes ici en petite et excellente compagnie, on pourrait examiner son talent sur toutes les faces. Voyons, seigneur comte, choisissez un air, et accompagnez-la vous-même au clavecin.

— L’émotion que sa voix et sa présence me causent, répondit Zustiniani, me feraient faire de fausses notes. Pourquoi pas vous, mon maître ?

— Je voudrais la regarder chanter, dit le Porpora ; car entre nous soit dit, je l’ai toujours entendue sans jamais songer à la voir. Il faut que je sache comment elle se tient, ce qu’elle fait de sa bouche et de ses yeux. Allons, lève-toi, ma fille ; c’est pour moi aussi que l’épreuve va être tentée.

— Ce sera donc moi qui l’accompagnerai, dit Anzoleto en s’asseyant au clavecin.

— Vous allez m’intimider trop, mon maître, dit Consuelo à Porpora.

— La timidité n’appartient qu’à la sottise, répondit le maître. Quiconque se sent pénétré d’un amour vrai pour son art ne peut rien craindre. Si tu trembles, tu n’as que de la vanité ; si tu perds tes moyens, tu n’en as que de factices ; et s’il en est ainsi, je suis là pour dire