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consuelo.

L.

Il s’en fallait de beaucoup que les autres habitants du château fussent aussi tranquilles. Amélie était furieuse, et ne daignait plus rendre la moindre visite à la malade. Elle affectait de ne point adresser la parole à Albert, de ne jamais tourner les yeux vers lui, et de ne pas même répondre à son salut du matin et du soir. Ce qu’il y eut de plus affreux, c’est qu’Albert ne parut pas faire la moindre attention à son dépit.

La chanoinesse, voyant la passion bien évidente et pour ainsi dire déclarée de son neveu pour l’aventurière, n’avait plus un moment de repos. Elle se creusait l’esprit pour imaginer un moyen de faire cesser le danger et le scandale ; et, à cet effet, elle avait de longues conférences avec le chapelain. Mais celui-ci ne désirait pas très-vivement la fin d’un tel état de choses. Il avait été longtemps inutile et inaperçu dans les soucis de la famille. Son rôle reprenait une sorte d’importance depuis ces nouvelles agitations, et il pouvait enfin se livrer au plaisir d’espionner, de révéler, d’avertir, de prédire, de conseiller, en un mot de remuer à son gré les intérêts domestiques, en ayant l’air de ne toucher à rien, et en se mettant à couvert de l’indignation du jeune comte derrière les jupes de la vieille tante. À eux deux, ils trouvaient sans cesse de nouveaux sujets de crainte, de nouveaux motifs de précaution, et jamais aucun moyen de salut. Chaque jour, la bonne Wenceslawa abordait son neveu avec une explication décisive au bord des lèvres, et chaque jour un sourire moqueur ou un regard glacial faisait expirer la parole et avorter le projet. À chaque instant elle guettait l’occasion de se glisser auprès de Consuelo, pour lui adresser une réprimande adroite