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vant elle. C’étaient des idées bien nouvelles pour Consuelo, et peut-être l’étaient-elles tout à fait dans la bouche d’un patricien de ce temps et de ce pays. Elles ne frappaient cependant la jeune artiste que comme une formule franche et hardie des sentiments qui fermentaient en elle. Dévote et comédienne, elle entendait chaque jour la chanoinesse et le chapelain damner sans rémission les histrions et les baladins ses confrères. En se voyant réhabilitée, comme elle croyait avoir droit de l’être, par un homme sérieux et pénétré, elle sentit sa poitrine s’élargir et son cœur y battre plus à l’aise, comme s’il l’eût fait entrer dans la véritable région de sa vie. Ses yeux s’humectaient de larmes, et ses joues brillaient d’une vive et sainte rougeur, lorsqu’elle aperçut au fond d’une allée la chanoinesse qui la cherchait.

« Ah ! ma prêtresse ! lui dit Albert en serrant contre sa poitrine ce bras enlacé au sien, vous viendrez prier dans mon église !

— Oui, lui répondit-elle, j’irai certainement.

— Et quand donc ?

— Quand vous voudrez. Jugez-vous que je sois de force à entreprendre ce nouvel exploit ?

— Oui ; car nous irons au Schreckenstein en plein jour et par une route moins dangereuse que la citerne. Vous sentez-vous le courage d’être levée demain avec l’aube et de franchir les portes aussitôt qu’elles seront ouvertes ? Je serai dans ces buissons, que vous voyez d’ici au flanc de la colline, là où vous apercevez une croix de pierre, et je vous servirai de guide.

— Eh bien, je vous le promets, répondit Consuelo non sans un dernier battement de cœur.

— Il fait bien frais ce soir pour une aussi longue promenade, dit la chanoinesse en les abordant. »

Albert ne répondit rien ; il ne savait pas feindre. Con-