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consuelo.

mois, et aucune démonstration apparente de la part de Zdenko n’avait rallumé la fureur que le jeune comte avait manifestée un instant. D’ailleurs il l’avait oublié, cet instant douloureux que Consuelo s’efforçait d’oublier aussi. Il n’avait conservé des événements du souterrain que le souvenir de ceux où il avait été en possession de sa raison. Consuelo s’était donc arrêtée à l’idée qu’il avait interdit à Zdenko l’entrée et l’approche du château, et que par dépit ou par douleur le pauvre homme s’était condamné à une captivité volontaire dans l’ermitage. Elle présumait qu’il en sortait peut-être seulement la nuit pour prendre l’air ou pour converser sur le Schreckenstein avec Albert, qui sans doute veillait au moins à sa subsistance, comme Zdenko avait si longtemps veillé à la sienne. En voyant l’état de la cellule, Consuelo fut réduite à croire qu’il boudait son maître en ne soignant plus sa retraite délaissée ; et comme Albert lui avait encore affirmé, en entrant dans la grotte, qu’elle n’y trouverait aucun sujet de crainte, elle prit le moment où elle le vit occupé à ouvrir péniblement la porte rouillée de ce qu’il appelait son église, pour aller de son côté essayer d’ouvrir celle qui conduisait à la cellule de Zdenko, où sans doute elle trouverait des traces récentes de sa présence. La porte céda dès qu’elle eut tourné la clef ; mais l’obscurité qui régnait dans cette cave l’empêcha de rien distinguer. Elle attendit qu’Albert fût passé dans l’oratoire mystérieux qu’il voulait lui montrer et qu’il allait préparer pour la recevoir ; alors elle prit un flambeau, et revint avec précaution vers la chambre de Zdenko, non sans trembler un peu à l’idée de l’y trouver en personne. Mais elle n’y trouva pas même un souvenir de son existence. Le lit de feuilles et de peaux de mouton avait été enlevé. Le siège grossier, les outils de travail, les sandales de feutre, tout avait disparu ; et