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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/146

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consuelo.

vis pour la première fois, Consuelo, je commençai à espérer. Et lorsque vous avez eu pitié de moi, j’ai commencé à croire que j’étais sauvé. Tenez, voyez cette couronne de fleurs flétries et déjà prêtes à tomber en poussière, dont j’ai entouré le crâne qui surmonte l’autel. Vous ne les reconnaissez pas ; mais moi, je les ai arrosées de bien des larmes amères et délicieuses : c’est vous qui les aviez cueillies, c’est vous qui les aviez remises pour moi au compagnon de ma misère, à l’hôte fidèle de ma sépulture. Eh bien, en les couvrant de pleurs et de baisers, je me demandais avec anxiété si vous pourriez jamais avoir une affection véritable et profonde pour un criminel tel que moi, pour un fanatique sans pitié, pour un tyran sans entrailles…

— Mais quels sont donc ces crimes que vous avez commis ? dit Consuelo avec force, partagée entre mille sentiments divers, et enhardie par le profond abattement d’Albert. Si vous avez une confession à faire, faites-la ici, faites-la maintenant, devant moi, afin que je sache si je puis vous absoudre et vous aimer.

— M’absoudre, oui ! vous le pouvez ; car celui que vous connaissez, Albert de Rudolstadt, a eu une vie aussi pure que celle d’un petit enfant. Mais celui que vous ne connaissez pas, Jean Ziska du Calice, a été entraîné par la colère du ciel dans une carrière d’iniquités ! »

Consuelo vit quelle imprudence elle avait commise en réveillant le feu qui couvait sous la cendre, et en ramenant par ses questions le triste Albert aux préoccupations de sa monomanie. Ce n’était plus le moment de les combattre par le raisonnement : elle s’efforça de le calmer par les moyens mêmes que sa démence lui indiquait.

« Il suffit, Albert, lui dit-elle. Si toute votre existence actuelle a été consacrée à la prière et au repentir, vous n’avez plus rien à expier, et Dieu pardonne à Jean Ziska.