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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/174

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consuelo.

feignant d’être distraite et de n’avoir pas entendu la dernière question d’Albert :

« Mon Dieu ! dit-elle en s’arrêtant pour regarder un paysan qui passait à quelque distance, j’ai cru voir Zdenko. »

Albert tressaillit, laissa tomber le bras de Consuelo qu’il tenait sous le sien, et fit quelques pas en avant. Puis il s’arrêta, et revint vers elle en disant :

« Quelle erreur est la vôtre, Consuelo ! cet homme-ci n’a pas le moindre trait de… »

Il ne put se résoudre à prononcer le nom de Zdenko ; sa physionomie était bouleversée.

« Vous l’avez cru cependant vous-même un instant, dit Consuelo, qui l’examinait avec attention.

— J’ai la vue fort basse, et j’aurais dû me rappeler que cette rencontre était impossible.

— Impossible ! Zdenko est donc bien loin d’ici ?

— Assez loin pour que vous n’ayez plus rien à redouter de sa folie.

— Ne sauriez-vous me dire d’où lui était venue cette haine subite contre moi, après les témoignages de sympathie qu’il m’avait donnés ?

— Je vous l’ai dit, d’un rêve qu’il fit la veille de votre descente dans le souterrain. Il vous vit en songe me suivre à l’autel, où vous consentiez à me donner votre foi ; et là vous vous mîtes à chanter nos vieux hymnes bohémiens d’une voix éclatante qui fit trembler toute l’église. Et pendant que vous chantiez, il me voyait pâlir et m’enfoncer dans le pavé de l’église, jusqu’à ce que je me trouvasse enseveli et couché mort dans le sépulcre de mes aïeux. Alors il vous vit jeter à la hâte votre couronne de mariée, pousser du pied une dalle qui me couvrit à l’instant, et danser sur cette pierre funèbre en chantant des choses incompréhensibles dans une langue