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consuelo.

Consuelo porta à ses lèvres la main du vieillard, et lui répondit avec effusion :

« Oui, monsieur le comte, je vous respecte et vous aime comme si j’avais l’honneur de vous avoir pour mon père, et je puis répondre sans crainte et sans détour à toutes vos questions, en ce qui me concerne personnellement.

— Je ne vous demanderai rien autre chose, ma chère fille, et je vous remercie de cette promesse. Croyez-moi incapable d’en abuser, comme je vous crois incapable d’y manquer.

— Je le crois, monsieur le comte. Daignez parler.

— Eh bien, mon enfant, dit le vieillard avec une curiosité naïve et encourageante, comment vous nommez-vous ?

— Je n’ai pas de nom, répondit Consuelo sans hésiter ; ma mère n’en portait pas d’autre que celui de Rosmunda. Au baptême, je fus appelée Marie de Consolation : je n’ai jamais connu mon père.

— Mais vous savez son nom ?

— Nullement, monseigneur ; je n’ai jamais entendu parler de lui.

— Maître Porpora vous a-t-il adoptée ? Vous a-t-il donné son nom par un acte légal ?

— Non, monseigneur. Entre artistes, ces choses-là ne se font pas, et ne sont pas nécessaires. Mon généreux maître ne possède rien, et n’a rien à léguer. Quant à son nom, il est fort inutile à ma position dans le monde que je le porte en vertu d’un usage ou d’un contrat. Si je le justifie par quelque talent, il me sera bien acquis ; sinon, j’aurai reçu un honneur dont j’étais indigne. »

Le comte garda le silence pendant quelques instants ; puis, reprenant la main de Consuelo :