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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/208

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consuelo.

— Si vous trouvez en cela une générosité si grande, Consuelo, c’est que votre cœur ne peut en concevoir une pareille, ou que l’objet ne vous paraît pas digne !

— Monseigneur, dit Consuelo après s’être recueillie en cachant son visage dans ses mains, je crois rêver. Mon orgueil se réveille malgré moi à l’idée des humiliations dont ma vie serait abreuvée si j’osais accepter le sacrifice que votre amour paternel vous suggère.

— Et qui oserait vous humilier, Consuelo, quand le père et le fils vous couvriraient de l’égide du mariage et de la famille ?

— Et la tante, monseigneur ? la tante, qui est ici une mère véritable, verrait-elle cela sans rougir ?

— Elle-même viendra joindre ses prières aux nôtres, si vous promettez de vous laisser fléchir. Ne demandez pas plus que la faiblesse de l’humaine nature ne comporte. Un amant, un père, peuvent subir l’humiliation et la douleur d’un refus. Ma sœur ne l’oserait pas. Mais, avec la certitude du succès, nous l’amènerons dans vos bras, ma fille.

— Monseigneur, dit Consuelo tremblante, le comte Albert vous avait donc dit que je l’aimais ?

— Non ! répondit le comte, frappé d’une réminiscence subite. Albert m’avait dit que l’obstacle serait dans votre cœur. Il me l’a répété cent fois ; mais moi, je n’ai pu le croire. Votre réserve me paraissait assez fondée sur votre droiture et votre délicatesse. Mais je pensais qu’en vous délivrant de vos scrupules, j’obtiendrais de vous l’aveu que vous lui aviez refusé.

— Et que vous a-t-il dit de notre promenade d’aujourd’hui ?

— Un seul mot : « Essayez, mon père ; c’est le seul moyen de savoir si c’est la fierté ou l’éloignement qui me ferment son cœur. »