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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/211

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consuelo.

dente, ce pauvre homme qui vous adore, et qui, en vous rendant malheureuse peut-être, vous devra son salut, et vous fera mériter les récompenses célestes ! Mais vous m’avez rappelé sa mère, sa mère qui s’était donnée à moi par devoir et par amitié ! Elle ne pouvait avoir pour moi, homme simple, débonnaire et timide, l’enthousiasme qui brûlait son imagination. Elle fut fidèle et généreuse jusqu’au bout cependant ; mais comme elle a souffert ! Hélas ! son affection faisait ma joie et mon supplice ; sa constance, mon orgueil et mon remords. Elle est morte à la peine, et mon cœur s’est brisé pour jamais. Et maintenant, si je suis un être nul, effacé, mort avant d’être enseveli, ne vous en étonnez pas trop Consuelo : j’ai souffert ce que nul n’a compris, ce que je n’ai dit à personne, et ce que je vous confesse en tremblant. Ah ! plutôt que de vous engager à faire un pareil sacrifice, et plutôt que de pousser Albert à l’accepter, que mes yeux se ferment dans la douleur, et que mon fils succombe tout de suite à sa destinée ! Je sais trop ce qu’il en coûte pour vouloir forcer la nature et combattre l’insatiable besoin des âmes ! Prenez donc du temps pour réfléchir, ma fille, ajouta le vieux comte en pressant Consuelo contre sa poitrine gonflée de sanglots, et en baisant son noble front avec un amour de père. Tout sera mieux ainsi. Si vous devez refuser, Albert, préparé par l’inquiétude, ne sera pas foudroyé, comme il l’eût été aujourd’hui par cette affreuse nouvelle. »

Ils se séparèrent après cette convention ; et Consuelo, se glissant dans les galeries avec la crainte d’y rencontrer Anzoleto, alla s’enfermer dans sa chambre, épuisée d’émotions et de lassitude.

Elle essaya d’abord d’arriver au calme nécessaire, en tâchant de prendre un peu de repos. Elle se sentait brisée ; et, se jetant sur son lit, elle tomba bientôt dans