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consuelo.

Consuelo en prenant un ton maternel, vous allez me rendre un petit service.

— Tout ce que vous voudrez, reprit le jeune voyageur, à qui le son de voix de Consuelo parut également agréable et pénétrant.

— Vous allez me vendre un petit morceau de votre déjeuner, repartit Consuelo, si vous le pouvez sans vous priver.

— Vous le vendre ! s’écria l’enfant tout surpris et en rougissant : oh ! si j’avais un déjeuner, je ne vous le vendrais pas ! je ne suis pas aubergiste ; mais je voudrais vous l’offrir et vous le donner.

— Vous me le donnerez donc, à condition que je vous donnerai en échange de quoi acheter un meilleur déjeuner.

— Non pas, non pas, reprit-il. Vous moquez-vous ? Êtes-vous trop fière pour accepter de moi un pauvre morceau de pain ? Hélas ! vous voyez, je n’ai que cela à vous offrir.

— Eh bien, je l’accepte, dit Consuelo en tendant la main ; votre bon cœur me ferait rougir d’y mettre de la fierté.

— Tenez, tenez ! ma belle demoiselle, s’écria le jeune homme tout joyeux. Prenez le pain et le couteau, et taillez vous-même. Mais n’y mettez pas de façons, au moins ! Je ne suis pas gros mangeur, et j’en avais là pour toute ma journée.

— Mais aurez-vous la facilité d’en acheter d’autre pour votre journée ?

— Est-ce qu’on ne trouve pas du pain partout ? Allons, mangez donc, si vous voulez me faire plaisir ! »

Consuelo ne se fit pas prier davantage ; et, sentant bien que ce serait mal reconnaître l’élan fraternel de son amphitryon que de ne pas manger en sa compagnie, elle se rassit non loin de lui, et se mit à dévorer ce pain,